Interview La Dernière Heure avec ministre David Clarinval
“Je ne comprendrais pas qu’on reporte la reprise au-delà du 1er juin”
Réouverture horeca et des secteurs fermés
Sophie Wilmès et David Clarinval, avant le Comité de concertation de mardi : “On attend que ce qu’on annonce soit respecté.”
La terrasse résonne des rires de clients. Pas une table n’est libre, malgré le ciel gris et le vent qui fait s’envoler les masques. Ce samedi, pour la première fois depuis octobre, l’Horeca a ouvert. Sophie Wilmès (MR), ex-Première ministre désormais aux Affaires étrangères et David Clarinval (MR), ministre des Indépendants, sont venus parler Comité de concertation, coronapass, culture, été. Une demande : que l’interview se déroule place de la Liberté, à Bruxelles. Ils souhaitent rappeler le rôle qu’ils ont joué dans la reprise, et aussi, un petit peu, en profiter eux aussi. Sophie Wilmès, d’humeur enjouée, commande une Maes au fût. Le serveur informe David Clarinval qu’il n’y a plus d’Orval. Il se rabat sur une Rochefort. Mardi, ils ont Codeco.
Vous voici en terrasse après 7 mois de fermeture.
Sophie Wilmès : “Il y a de l’exaltation. On a quand même eu des moments difficiles. Aujourd’hui, il faut en profiter.”
David Clarinval : “Je suis heureux d’être ici place de la Liberté. C’est un symbole. C’est exprès ?”
S.W : “Un petit peu. On essaye de faire passer des messages.”
D.C : “On va vers une situation meilleure. Pour l’Horeca, c’est une bonne chose mais aussi pour les autres indépendants, ça incite à venir faire les magasins. C’est un jour important.”
L’étape suivante se tranche mardi. Le PS veut la reprise Horeca le 1er juin. Et vous ?
D.C : “Je me suis prononcé pour début juin, et début juin, c’est le 1er. Il faut encore en discuter. On l’a vu pour les terrasses. C’était entre le 1er et le 15 : on a conclu pour le 8. Ici, les virologues sont positifs. On pourrait descendre sous les 500 lits de soins intensifs avant juin. Si c’est le cas, je ne comprendrais pas qu’on reporte la réouverture des secteurs au-delà du 1er juin. Je suis optimiste.”
De Croo aurait proposé le 14.
D.C : “C’est le commissaire corona qui a présenté une ébauche de calendrier sur lequel on s’est prononcé. C’est une pièce à casser. Il va revenir avec une nouvelle proposition.”
S.W : “Entre ce qui est mis sur la table, les postures et l’atterrissage, il y a nuances. On est favorables vu la tendance positive à ne pas faire trop attendre ceux qui veulent reprendre leurs activités. C’est une question d’adhésion. On a toujours dit que si la situation le permettait, il y aurait ouverture début juin. Aucune date n’a été prononcée, mais on attend que ce qu’on annonce soit respecté si possible.”
D.C : “Il ne faut pas parler que de l’Horeca. Il y a des secteurs dont on ne parle jamais et qui doivent pouvoir rouvrir en même temps que les a utres ! Fitness, bowlings, plaines de jeux indoor, centres de bien-être, escape rooms, toiletteurs canins, etc.”
S.W : “C’est cela parce qu’au 1er déconfinement on avait inversé la tendance pour dire : tout est ouvert, sauf… Pour ne pas laisser sur le carreau une série de professionnels.”
D.C : “Sophie a tout à fait raison. Parfois, quand je viens avec mes listes, certains ministres ont le sourire. Quand je vois ça, je suis choqué ! Il y a une certaine condescendance à l’égard de certains métiers. C’est pourquoi j’ai déposé une note de 5 pages pour inverser la philosophie. Et si ce n’est pas le cas, j’ai fait une liste des secteurs auxquels on n’avait pas encore pensé et qu’il faudra rouvrir le 1er juin.”
Le plan intérieur comprend l’élargissement des contacts.
S.W : “La situation épidémiologique s’améliore de manière durable. Ceci dit, il y a toujours un problème de Covid. Il ne faut pas donner l’impression qu’on peut faire tout et n’importe quoi. On sait que les relations interpersonnelles multipliées sont de nature à relancer l’épidémie. Mais on sait qu’on a des outils fondamentaux en plus : la vaccination et la connaissance acquise par la population des comportements à risques. Beaucoup de gens ont fait le Covid et sont immunisés. Il faut faire la balance entre ces points et y rajouter la santé mentale. Nous avons des besoins psychiques et sociaux, on ne peut pas les mettre de côté. Il faut retrouver de la convivialité. Beaucoup de gens sont seuls et en souffrent terriblement.”
Une bulle de combien ?
S.W : “C’est un débat qu’on aura en interne. Mais je vous garantis que c’est un point sur lequel on appuiera fortement.”
J’entends dire que desserrer tout d’un bloc le 1er serait un message de trop grand relâchement. Faut-il panacher ?
D.C : “Les secteurs qui restent fermés sont nombreux mais ce n’est plus une masse si considérable d’indépendants. Il n’y a pas de raison de commencer à panacher les ouvertures.”
Plexiglas interdit en terrasse : “On va revenir sur la question”
Polémique
Contrairement à ce qui figure dans le protocole, ces parois sont proscrites.
Une polémique a vu le jour sur les plexiglas que l’Horeca pensait pouvoir utiliser entre les tables. Ils sont au final interdits. Que s’est-il passé ?
D.C : “C’est un malentendu. De bonne foi, Pierre-Yves Dermagne et moi-même avons validé les protocoles sur base des décisions en notre connaissance, les notifications du Codeco et les protocoles de l’année dernière. Il était alors clair qu’on pouvait déroger à la règle du mètre 50 entre les tables en mettant un plexiglas entre elles. Nous avons échangé avec le commissariat corona pour demander s’il fallait valider un plexiglas d’un mètre 80 ou 50. Ils ont répondu 1,80 m. Ils étaient donc dans cet état d’esprit. On a validé les protocoles mardi. Mercredi, Pedro Facon s’est demandé pourquoi nous validions cela alors qu’on avait jamais parlé de ce point précis. Ce qui est vrai. Mais de bonne foi, pour nous, cela allait de soi. On a donc tranché jeudi. Je trouve ça dommage sur le fond car cette décision fait perdre de la rentabilité alors que le plexiglas augmente la sécurité. On reviendra sur la question prochainement.”
Sophie Wilmès, vous êtes ministre des Affaires étrangères : il y a de l’incertitude pour les Belges qui veulent réserver leurs vacances. Oseriez-vous déjà le faire à titre personnel ?
S.W : “Honnêtement, je ne sais pas. Cela dépend de beaucoup de facteurs, de règlements en Belgique au retour mais aussi sur place.”
D.C : “Moi, mon épouse l’a déjà fait, pour aller en Italie.”
“Ne pas échanger libertés contre passeport santé”
Coronapass
Sophie Wilmès et David Clarinval s’inquiètent des conséquences de l’instauration d’un coronapass sur les libertés et la vie privée
Une jauge de 2 500 personnes pour les événements de l’été a été proposée au dernier Codeco, mais refusée car jugée trop basse. On sera au-dessus ?
D.C : “Oui, on sera probablement au-delà. Mais avec des protocoles spécifiques.”
Alexander De Croo veut organiser de gros événements (Tomorrowland) via un coronapass.
S.W : “On l’a toujours dit et le Premier aussi, d’ailleurs. On ne peut pas faire dépendre l’exercice de nos libertés d’un passeport sanitaire. On ne veut pas, structurellement, rentrer là-dedans. Et certainement s’agissant de la vaccination, qui est une action libre de choix. Tout ce qui est de nature à échanger une liberté contre certains comportements vaccinaux est pour nous un ‘no go’“ .
Le coronapass inclura le test PCR négatif…
S.W : “Oui, mais il faut être très vigilants. On avait déjà été très stricts au niveau européen sur la même question, disant que ce qui est devenu un certificat vert ne pouvait être considéré comme passeport de voyage. O n doit garantir l’exercice de nos libertés fondamentales. Mais on peut réfléchir à comment organiser de très grands événements. La première chose est de s’assurer d’une très grande couverture vaccinale générale. La seconde, c’est comment organiser des grands événements dans les meilleures conditions. Il faut mettre en place des protocoles. Les événements tests ont un autre objectif : si nous devions avoir une recrudescence de l’épidémie en septembre, il faut avoir étudié finement ce qui se passe dans les métiers de contact, les écoles, les restaurants, etc., pour ne plus être obligés de faire du ‘on-off’ et fermer des pans entiers de notre société.”
En rejetant le coronapass, le MR ne fait-il pas trop grand cas de ceux qui refusent le vaccin, et trop peu des vaccinés souhaitant retrouver leur liberté ?
S.W : “Le coronapass dont on parle désormais concerne les grands événements. Qu’on mette en place des protocoles, c’est une manière de se réapproprier notre quotidien. Ce que nous ne voulons pas, c’est qu’on conditionne au coronapass des activités qui n’ont rien d’exceptionnel. Ça, c’est une difficulté pour nous.”
D.C : “Cela ne doit pas devenir contraignant pour la vie quotidienne. On est trop attachés à notre liberté, la sécurité des données, notre vie privée.”
S.W : “Ce sont des questions tellement majeures, sur le caractère obligatoire ou non du vaccin, la gestion des données privées, le droit d’organisation privée de limiter l’accès à leurs événements selon la santé, qu’on appelle à la prudence. Ne ‘structuralisons’ pas l’exercice de libertés en échange d’un passeport santé ou un test PCR.”
L’opposition dira : “On ne peut pas faire Tomorrowland car le MR est contre le coronapass.”
D.C : “C’est caricatural. On a prouvé par nos actes que le MR était le plus offensif sur la réouverture des secteurs. On ne va pas changer notre fusil d’épaule. Mais on ne va pas brader notre liberté et vie privée pour retrouver une vie normale. On peut mettre en place des protocoles sans machine administrative centralisée et intrusions dans la vie privée.”
Comment, par exemple ?
D.C : “Dans certains grands événements, on demande aux gens de venir se faire tester quelques jours avant. Ce serait pour gagner quelques mois. Un système est voué à disparaître, une fois l’épidémie terminée.”
Le coronapass n’est-il pas une bonne carotte pour motiver les jeunes à se faire vacciner ?
S.W : “Il ne faut brandir ni le bâton ni la carotte mais faire confiance à l’intelligence collective. Ça manque trop souvent.”
© La Dernière Heure
Adrien de Marneffe
JC Guillaume