Actualité

Interview avec Marius Gilbert dans Le Soir sur la crise sanitaire

Sophie Wilmès et Marius Gilbert: « Dans l’urgence, il n’y a pas de place pour la peur. On prend ses responsabilités » - Le Soir Plus

 

« Dans l’urgence, il n’y a pas de place pour la peur. On prend ses responsabilités »

Sophie Wilmès et Marius Gilbert ont traversé la pandémie ensemble. Ils livrent au « Soir » leur ressenti. Justifient les décisions prises. Sans éluder la question des tensions entre experts et politiques.

Ils ne s’étaient vus physiquement qu’une fois avant cette interview commune, covid oblige. Mais ils se sont beaucoup parlé et concertés, par téléphone et visioconférence, depuis la pandémie. Et lorsque le coronavirus aura été vaincu, Sophie Wilmès tiendra sa promesse d’inviter les experts du Gees à déjeuner. Et Marius Gilbert pourra, comme il l’a évoqué en riant avec Erika Vlieghe, aller « boire un verre dans un club de jazz un peu fermé et mal ventilé » avec ses collègues.

En attendant, l’ex-Première ministre MR aujourd’hui aux Affaires étrangères, et l’épidémiologiste ex-membre du Gees et du Celeval aujourd’hui vice-recteur à la recherche de l’ULB reviennent, ensemble, sur leur collaboration durant ces mois de combat anti-corona. Et sur les décisions prises.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

S.W. Je laisse la parole à l’expert pour m’assurer qu’il a le même souvenir que moi (rires) !

M.G. Cela reste impressionnant de recevoir, un jour, un coup de fil de la Première ministre ! C’était fin mars/début avril, dans le contexte du lockdown ; vous m’avez demandé de participer au groupe d’experts (le Gees, NDLR) chargé d’élaborer un plan pour sortir du confinement. Je me souviens de l’expression que vous avez utilisée : « On est à un point A où tout est fermé, on veut arriver à un point B déconfiné. Et il faut écrire le chemin entre les deux. » Je n’ai pas hésité une seconde, vu l’enjeu majeur. Parce que j’avais le sentiment de pouvoir apporter quelque chose.

Vous n’avez pas eu peur de la pression que cela allait représenter ?

M.G. Non, je n’y ai pas du tout pensé à ce moment-là.

S.W. C’est le même coup de téléphone que celui auquel je pensais ! Et il y en a eu neuf autres puisque je constituais le Gees. Certains ont demandé 24 heures de réflexion. Mais ces dix experts avaient en commun la volonté d’agir au bénéfice de la société. Ni moi ni eux n’étions conscients à ce moment-là que ça allait être aussi lourd, aussi dur, aussi médiatique. Mais malgré la pression, le boulot qui a été fait est remarquable. Je reste profondément reconnaissante à ce groupe d’individus qui a décidé de monter dans le même bateau.

Sans eux, ce n’était pas possible ?

S.W. Possible, ce n’est pas la question. Mais si c’était à refaire, je ferais le même choix. J’avais besoin de leur expertise.

Ce groupe n’était pas à vos côtés, mi-mars. Vous ne vous êtes pas sentie seule au moment de décider du lockdown ?

S.W. Non. D’abord, on ne fait jamais rien seule. En Belgique, les décisions sont prises et endossées collectivement avec les entités fédérées, sur la base d’avis d’experts. Par contre, c’est vrai que c’est beaucoup plus facile de fermer que de rouvrir. Parce qu’on n’avait aucune expérience similaire de déconfinement. Tout était à inventer, à réfléchir. Les protocoles, les mesures sanitaires… tout ce qui paraît évident aujourd’hui a dû être créé, expliqué et acquis par la population et les professionnels. Ce fut un travail gigantesque ! Ne pas s’entourer des gens les plus à même d’apporter ces solutions aurait été une erreur.

Et vous, Marius Gilbert, vous vous êtes senti utile ?

M.G. Personnellement, j’ai le sentiment d’avoir été utile sur les aspects épidémiologiques, les indicateurs à suivre, les six règles d’or. Avec la spécificité qu’il fallait faire de l’épidémiologie en temps réel alors que d’habitude, dans nos pratiques professionnelles, on n’est jamais pris par le temps. Il y a aussi eu tout un travail de prise d’avis et d’interaction avec les secteurs concernés, particulièrement l’enseignement dans mon cas.

Vous aviez un accès direct l’un à l’autre ?

S.W. On a nos numéros de GSM respectifs. M.G. Tout à fait. Il n’y avait aucun souci de communication directe. Au cabinet, une personne assurait la liaison continue avec le Gees, ce qui fut très utile pour moi qui ne connaissais pas le fonctionnement de l’Etat en dehors de ce que j’ai appris à l’école !

C’est un peu effrayant de se retrouver devant cette page blanche à écrire, en pleine épidémie ?

S.W. Je ne dirais pas que c’était effrayant. Mais la pression était immense. Immense.

Avec la peur de se tromper ?

S.W. Je ne sais pas si on a le temps d’avoir peur. Vraiment, je n’utiliserais pas ce mot. On a peut-être des angoisses a posteriori. Mais dans l’urgence, il n’y a pas de place pour cette peur. Il y a une volonté absolue de bien faire. La conscience d’une responsabilité gigantesque. Et la certitude d’être entourée de dix personnes du Gees intelligentes, qui bossent au bénéfice de la population. On peut tous se tromper, bien sûr. Mais quand vous vous entourez de gens qui travaillent dans une dynamique positive et qui sont reconnus pour leur expertise individuelle, vous avez quand même un peu plus d’assise et de certitude par rapport aux décisions que vous prenez. Et je veux souligner que ces dix personnes ont, sans être rémunérées, pris un risque personnel, professionnel et familial au bénéfice de la société.

Les experts sont-ils toujours restés dans leur rôle de conseil et non de décision ?

S.W. Je ne vais pas nier qu’il y a eu des débats entre politiques, entre experts et entre politiques et experts. Mais est-ce que ces débats étaient aussi exacerbés, piquants que ce qui a été repris dans les médias ? Ce n’est pas mon sentiment. Dans des moments de grands stress et de grande fatigue, il y a toujours des tensions. C’est totalement humain et normal. Est-ce qu’il y a eu des moments où j’ai été agacée ? Oui, comme tout le monde. Est-ce qu’il y a des moments où les experts ont été agacés ? Oui, comme tout le monde. Est-ce que ça caractérise les relations ? Non, certainement pas.

Et vous, Marius Gilbert, vous avez le sentiment d’avoir été entendu ?

M.G. Oui. Nos rapports étaient scrutés à la ligne, parfois à la virgule près. Personnellement, je n’ai jamais eu le sentiment que mon rôle était inconfortable. Et je comprenais la difficulté pour le politique de prendre des décisions qui se décalaient de nos rapports car il fallait les justifier devant l’opinion publique. Puis les ministres sont exposés à des pressions des secteurs. En fait, j’ai parfois été beaucoup plus irrité par des sorties d’autres experts que par celles des politiques.

Lesquelles ?

M.G. Je n’ai pas envie de rentrer dans la polémique. Dans un problème aussi complexe que la gestion d’une épidémie, la société est une sorte d’énorme Mikado. Si chacun ne voit que son problème et considère qu’il doit être réglé sans prendre en considération celui des autres, on n’arrive jamais à aucune solution. A tout moment, il faut être conscient que ce qu’on dit, ce qu’on décide, est susceptible d’avoir des répercussions ailleurs.

Vous ne vous êtes jamais dit : si c’est pour qu’on ne m’écoute pas, j’arrête ?

M.G. Non, même s’il est vrai que par moments, il y a eu des points de friction. Nous, on était naturellement toujours un peu du côté de la prudence. Du côté politique, il y a toute la pression de la société pour rouvrir. Il fallait donc trouver un point d’équilibre entre les deux.

Il y a eu des moments où nous disions « attention, si vous faites ça, l’épidémie va reprendre ». Or ils le faisaient et ça ne redémarrait pas. Cela fait partie de l’incertitude. On vit une sorte d’expérimentation géante d’une complexité inouïe. Nous avions toujours tendance à tirer du côté de la prudence. Parfois à tort, c’est vrai. Mais bon… On a vu l’exemple de la deuxième vague en septembre qui a abouti à une erreur collective.

Qu’attendre de 2021 ?

S.W. Le vaccin ! Si on avait pu savoir en mars, juillet, septembre qu’on commencerait à vacciner aujourd’hui… Ça change tout pour le terme de la crise. Il faut de l’espoir, du courage et de la patience. Mais on est dans une situation bien meilleure, en termes de perspectives, que ce qu’on pouvait penser il y a six mois.

M.G. On aspire tous à reprendre une vie sociale, culturelle, d’éducation… Ce qu’il faut retenir de tout ça, c’est : que va-t-on mettre en œuvre pour faire face à des crises de nature systémique, c’est-à-dire qui touche à tous les pans de la société ? Là, il y a un travail de fond à réaliser.

Et s’il y a un groupe d’experts à ce sujet, on peut vous appeler ?

M.G. Oui, ça, ça m’intéresse ! Et par rapport aux jeunes exposés à ces crises et privés de vie sociale, je pense que quand on aura passé ça, il faudra que la société le leur rende et se demande ce qu’on peut mettre en place pour qu’ils aient un avenir, le meilleur qui soit.

 

 

Deuxième vague « Etre plus strict en septembre n’aurait pas suffi à l’éviter »

A-t-on manqué de prudence en septembre lors du Conseil national de sécurité du 23 ?

S.W. Les analyses qui sont faites de ce CNS (le dernier piloté par Sophie Wilmès, NDLR) sont peut-être un peu rapides. Je ne pense pas que les décisions de septembre soient, à elles seules, responsables d’une nouvelle vague. Car on n’a pas assoupli tant que ça, même si ça a été perçu comme un assouplissement. Nous restions à ce moment-là l’un des pays d’Europe les plus stricts. Or on a eu une deuxième vague, comme partout.

Mais si on avait ouvert les yeux plus tôt sur le fait que tous les signes de cette deuxième vague étaient déjà là, n’aurait-on pas pu en limiter l’ampleur ?

S.W. Je ne suis pas capable de réécrire l’histoire. Il faut avoir l’humilité de dire qu’on ne le saura jamais. Je comprends le sentiment immédiat de vouloir réduire le débat à sa plus simple expression : si on avait fait ça, il n’y aurait pas eu ça. Mais personne ne peut l’affirmer. Surtout il faut se remettre dans le contexte. A l’époque, le rapport d’experts propose des mesures… que nous avons suivies ! Est-ce que ça veut dire que les experts se sont trompés ? Je ne pense pas. Ce n’est que le 30 octobre que le lockdown a été décidé (pour les magasins non essentiels ; la fermeture de l’horeca date du 16 octobre, NDLR). Soit un mois et une semaine après le CNS du 23 septembre que certains présentent comme problématique. Entre les deux, on a tenté de resserrer les boulons, palier par palier, sans que cela suffise à inverser la tendance.

Vous évoquez le rapport du Celeval, à l’époque où les tensions sont vives en son sein suite à l’intégration de certains « rassuristes ». Marius Gilbert, quand la situation s’aggrave mi-septembre, n’a-t-on pas trop tardé à réagir ?

M.G. En octobre, même quand tout le monde est conscient que l’épidémie a redémarré, il y a encore pas mal d’essais-erreurs avant de parvenir à inverser la courbe. Donc même si le CNS du 23 septembre avait été plus strict, je ne suis pas certain qu’il aurait été suffisant à lui seul pour inverser la tendance. Peut-être que l’évolution de l’épidémie aurait été moins rapide, mais il aurait quand même fallu resserrer les mesures par la suite.

Autre élément important : la question de l’adhésion. A ce moment-là, on percevait un décalage énorme entre les mesures et leur mise en œuvre. Or des mesures qui ne sont pas suivies ne servent plus à rien. Il fallait reconstruire cette adhésion. C’est ça aussi le contexte de ce CNS. La perception de l’épidémie par le grand public était à l’époque faussée, notamment parce que des experts disaient que tout allait bien. Quand on cherche à recoller l’adhésion, on est tirés vers le bas quant à l’intensité des mesures qu’il est possible de faire accepter à la population. Cet ensemble d’éléments a abouti à ce qu’on ne prenne pas de mesures plus fortes ce 23 septembre.

Avec le recul, avez-vous des regrets ?

M.G. A titre personnel, j’ai un petit peu des regrets. Je suis quelqu’un qui recherche des consensus et là, peut-être que ma recherche de consensus au sein du Celeval nous a entraînés dans une position un peu trop soft par rapport à la réalité épidémiologique. C’est le seul moment où, rétrospectivement, je me dis que j’aurais dû être plus ferme.

S.W. Ce que vous dites m’intéresse car dans le rapport qu’on a reçu alors, il n’y avait pas de consensus sur certains points. On a donc décidé d’être « entre les deux ». Par exemple sur la bulle, c’était partagé entre 0 ou 6 et 0 ou 4, et on a dit 5. Mais dans ce rapport, on ne voit pas de débat sur le thème « faut-il refermer ? ». Donc il ne faut pas récrire l’histoire car au moment où l’on prend les décisions, on les prend avec les connaissances qu’on a. Même si on avait fixé la bulle à 4, la deuxième vague n’aurait pas été évitée, sauf à dire le 23 septembre qu’on ferme tout.

M.G. Cela, personne ne le disait et on ne pouvait le justifier.

A ce moment-là, le baromètre bascule pourtant du jaune à l’orange…

S.W. Oui, c’est pour ça qu’on dit qu’on se réserve le droit de se voir avant 15 jours, pour éventuellement fermer le robinet davantage. Parce qu’il faut maintenir l’adhésion.

M.G. Je reste convaincu qu’on fonctionne par la peur. C’est quand les gens commencent à sentir que l’épidémie se rapproche d’eux, car ils connaissent quelqu’un qui est positif ou à l’hôpital, que toutes les recommandations s’activent. Et c’est ça qui fait qu’à un moment l’ensemble du dispositif trouve son efficacité. Mais quand il n’y a pas ce ressenti, les mesures apparaissent comme des précautions inutiles.

D’autres pays ont réussi à faire comprendre à leur population qu’il fallait agir avant l’emballement des chiffres. Une leçon en cas de potentielle troisième vague ?

M.G. Ce qu’on doit retenir, c’est que le problème n’est pas le niveau absolu, mais l’augmentation des indicateurs. Dès le moment où ça augmente, même si le chiffre est petit, on a un problème et il faut rééquilibrer les choses. J’espère qu’on aura appris cela. Mais en septembre, c’était inaudible.

S.W. Ce que monsieur Gilbert dit est fondamental : l’expérience personnelle. Quand on vous parle du covid mais que vous ne connaissez personne qui l’a, c’est très différent de quand les gens tombent malades autour de vous.

Pour vous, cette fin septembre où vous êtes en fin de mandat, ce n’est pas le pire moment à traverser ?

S.W. Non, chaque étape était fondamentale. Et la fin de mandat n’a rien changé pour moi : j’étais tellement ancrée dans la gestion de la crise, je n’avais fait que ça et dormir en six mois, j’exagère à peine, que je ne savais pas me déconnecter de cette gestion de crise. Pour moi, les négociations gouvernementales étaient là, elles étaient importantes, certes, mais mon esprit n’était pas là, il était dans la gestion de crise.

Vous ne vous sentiez pas plus seule ?

S.W. Non. Vous savez, quand vous êtes un gouvernement minoritaire, vous n’avez pas de majorité au Parlement, donc vous êtes peu nombreux à assumer collectivement des décisions contre une majorité qui ne doit pas le faire. Et ça, c’était le cas en mars, en septembre et vous le sentez pendant toute la crise, peu importent les pouvoirs spéciaux, le soutien de l’extérieur. Gérer la crise dans ces conditions est très difficile.

La finalisation des négociations gouvernementales en septembre n’a pas impacté la gestion de la pandémie ?

S.W. Je ne crois pas. Cela n’a pas eu d’impact sur ma disponibilité et mon action. Et les entités fédérées et les experts n’étaient pas en négociations. Tout a continué à fonctionner.

M.G. Mon sentiment honnêtement – moi, je peux le dire – c’est que je sens une différence dans le chef du ministre de la Santé actuel (Frank Vandenbroucke, NDLR) par rapport à la ministre précédente (Maggie De Block, NDLR). Une force du gouvernement actuel, c’est l’alignement très fort entre le Premier ministre et le ministre de la Santé dans la gestion, que je n’ai pas ressenti précédemment. J’avais parfois le sentiment que les experts devenaient les défenseurs de la santé publique de façon plus forte que la ministre.

Sophie Wilmès, vous vous êtes sentie abandonnée par Maggie De Block ?

S.W. Je ne vais certainement pas avoir ce type d’expression. Ce sont des personnalités très différentes, qui ont eu à cœur d’aborder leur charge de manière différente, c’est indéniable.

 

 

La question de Marius Gilbert à Sophie Wilmès

Le fait d’avoir eu le covid a-t-il changé votre regard ou votre perception de cette épidémie ?

Cela m’a marqué au niveau personnel car ça a été une épreuve, il ne faut pas faire semblant que ça a été facile. Au niveau privé, c’est donc quelque chose de marquant. Par contre, ça n’a pas changé mon regard sur ce qu’il faut faire dans la gestion de la crise, le respect des gestes barrières, l’équilibre fondamental entre l’aspect sanitaire et l’aspect humain, psychologique et le rapport à l’économie – et l’économie, ce n’est pas un gros mot, ce sont des projets structurants de vie. Et ce qui continue à me blesser, car je suis une maman, c’est l’impact sur nos jeunes. Il n’y a pas de détresse qui a plus d’importance que d’autres mais comme parent, on ne peut s’empêcher d’être inquiet de l’impact que ceci a sur nos enfants.

La question de Sophie Wilmès à Marius Gilbert

Vous commencez une carrière de vice-recteur, vous êtes papa. Vous avez évoqué ce que l’on devra faire pour les jeunes après la pandémie, mais que doit-on leur dire aujourd’hui ?

Qu’il faut affronter les problèmes dans leur complexité, qu’il n’y a pas de problème insoluble et qu’il faut se mobiliser parce que les problèmes ne se résolvent pas tout seuls. C’est ce qu’il faut retenir de cette crise : on est efficace quand la population, particulièrement les jeunes, arrive à se mobiliser et qu’il y a aussi, par écho, une obligation qui vient d’en haut. C’est quand on arrive à construire un projet commun, à la fois politique et sociétal, qu’on peut tout transformer. Qui aurait cru qu’on pourrait arrêter une société pour sauver des personnes qui sont inactives économiquement ? Mais il n’y a pas de solution simpliste et les sciences restent une très bonne manière de comprendre ces complexités.

 

 

Analyse

Prudence

Marius Gilbert et Sophie Wilmès ont au moins deux points communs : leur cote de popularité qui a explosé durant la crise du covid et leur goût pour un discours modéré, nuancé. Preuve qu’on peut « plaire » sans être dans l’excès. Après, l’académique dispose d’une plus grande liberté de ton que l’ex-Première. Quand il ose une critique sur Maggie De Block, Sophie Wilmès ne peut qu’esquiver, se contentant de relever la différence de « personnalité » entre l’actuel et l’ex-ministre de la Santé.

Il est vrai que Sophie Wilmès est toujours vice-Première d’un pays qu’elle a dirigé durant les sept premiers mois d’une épidémie qui a déjà causé près de 20.000 morts et où le covid fait toujours rage. Alors elle reste sur sa ligne : prudence, et défense de sa gestion. En particulier quand on lui parle du dernier CNS qu’elle a présidé le 23 septembre (auquel participait Marius Gilbert).

Alors que tous les indicateurs remontent à l’époque, les décisions de ce CNS sont perçues comme un assouplissement des règles imposées en août. Erreur stratégique ? Sophie Wilmès refuse de porter le chapeau, tout juste admet-elle que « s’il y a un problème dans la communication qui a fait que les gens l’ont compris de la sorte, il faut effectivement revoir sa copie ». Là où Marius Gilbert concède « un regret » quant au manque de « fermeté » du rapport remis à l’époque, en raison de divergences entre experts.

Pour le reste, ces deux acteurs clefs de la gestion corona sont largement d’accord, même si l’on sent la politique davantage sur la défensive que l’épidémiologiste.

Evidemment, il est plus facile d’analyser les faits avec du recul. Evidemment, ce seul CNS n’est pas responsable de tous les maux de la deuxième vague. Evidemment, le contexte (perte d’adhésion, atterrissage du gouvernement Vivaldi, querelle d’experts, désaccords entre Régions) n’a pas aidé. Sophie Wilmès refuse pourtant d’invoquer ces circonstances atténuantes et appelle à ne pas réécrire l’histoire sur la base d’éléments connus aujourd’hui.

Restent les enseignements à tirer pour éviter une troisième vague d’importance.

 

Xavier Counasse - Martine Dubuisson

© Mathieu Golinvaux

© Le Soir