Discours

Conférence diplomatique MLA (Ljubljana): allocution d’ouverture

Chers collègues,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

 

C’est un plaisir que de m'adresser à vous à l'occasion de la cérémonie d'ouverture de cette conférence diplomatique tant attendue.

L’objectif de cette réunion est de la plus haute importance : finaliser les négociations de l’initiative MLA qui vise à élaborer un nouveau traité multilatéral. Pour la Belgique, la lutte contre l’impunité pour les crimes les plus graves est essentielle. Je souhaiterais donc saisir cette occasion pour partager avec vous l’importance de cette initiative et souligner en particulier sa complémentarité avec la Cour pénale internationale (CPI).

Permettez-moi tout d’abord de rappeler le principe fondamental qui nous rassemble aujourd'hui : le crime de génocide, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les autres crimes internationaux  ne peuvent rester impunis. Ces crimes doivent faire l'objet d'enquêtes et leurs auteurs doivent être poursuivis, non seulement pour établir leur responsabilité, mais aussi pour envoyer un message fort à l’ensemble de la communauté internationale : Jamais ces crimes ne resteront impunis.

Tous les États sont liés par des obligations internationales en matière de prévention et de répression de ces crimes internationaux. Et c’est exactement le respect de ces obligations que l’initiative MLA vise à faciliter. Elle permettra aux États parties à la future convention de s'acquitter efficacement de leur responsabilité première, qui est d'enquêter sur ces crimes et d'en poursuivre les auteurs au niveau national.

Même si la responsabilité première incombe à chacun de nos États respectifs, il s'agit aussi d'une responsabilité commune : en raison de la nature même de ces crimes, les suspects, les témoins et les preuves qui s’y rapportent sont rarement localisés sur le territoire d'un seul État. Cela implique que les autorités judiciaires des États qui enquêtent et poursuivent ces crimes coopèrent pour être véritablement efficaces dans la lutte contre l'impunité.

J’aimerais maintenant vous parler plus en détail de la relation entre l’initiative MLA et la Cour pénale internationale.

Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et le projet de Convention MLA sont deux instruments indépendants. Chacun de ces instruments vise à l’universalité, mais il n’est pas requis qu’un État soit partie au Statut de Rome pour pouvoir devenir État partie à la Convention MLA, et inversement. La présente initiative s'adresse donc à tous les États, qu'ils soient parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale ou non.

La position de la Belgique reste bien entendu de vous encourager à ratifier le Statut de Rome qui est devenu une référence en droit international.

Et le projet de Convention MLA s’inscrit dans la logique du Statut de Rome. En mettant au centre le principe de complémentarité : compétence nationale et internationale. Car il prévoit que les autorités nationales aient la responsabilité au premier chef de mener une enquête et poursuivre les auteurs des crimes les plus graves. La CPI est en principe seulement compétente lorsqu’un État partie n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener à bien l'enquête ou les poursuites.

La future convention MLA vise à renforcer les capacités nationales et à faciliter la coopération interétatique. La complémentarité entre l'initiative MLA et la CPI est donc évidente. Les deux systèmes fonctionneront de façon parallèle et en pleine synergie afin de garantir que les auteurs des crimes les plus graves soient traduits en justice.

Car le principe de complémentarité repose aussi sur la recherche de l'efficacité dans les enquêtes et les poursuites. Au-delà de la capacité limitée de la Cour pénale internationale, les procédures nationales présentent également des avantages intrinsèques.

Je pense, par exemple, au fait que ces procédures puissent se dérouler au plus près des communautés et des victimes concernées et permettre donc leur pleine participation. Les poursuites nationales diminuent également le coût des procédures et leur durée. Enfin, les autorités judiciaires nationales sont généralement mieux équipées pour traiter des cas spécifiques à leur propre pays et peuvent ainsi fournir une meilleure compréhension du contexte dans lequel un crime a été commis.

Ceci m'amène à mon dernier point, à savoir la valeur ajoutée manifeste de l'initiative MLA pour lutter contre l’impunité des crimes les plus graves. Cette future convention est un outil pratique pour permettre aux états de se conformer à leurs obligations internationales, mais aussi de rendre leurs systèmes judiciaires nationaux plus réactifs. Si ces Etats sont en même temps parties au Statut de Rome, cela renforcera la mise en œuvre du principe de complémentarité.

Outre les effets bénéfiques directs que l’on vient d’évoquer, il pourrait y avoir également des effets bénéfiques indirects. La collecte d’éléments de preuve et d’information par les autorités nationales pourrait permettre aux Etats parties au Statut de Rome de mieux répondre à des demandes de coopération émanant de la CPI, dans des affaires dont elle serait saisie à des niveaux de responsabilité plus élevés. Un exemple concret pourrait être des crimes de guerre dans une situation de conflit, pour laquelle les commanditaires sont poursuivis par la CPI alors que les exécutants sont poursuivis devant des cours nationales.

Ce faisant, l'initiative MLA renforce également la capacité des systèmes de justice nationaux à traiter des affaires pénales internationales complexes. En travaillant en parallèle et en synergie, la CPI et l'initiative MLA contribuent à l’objectif de rendre justice aux victimes des crimes les plus graves.

 

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Avant de conclure, permettez-moi d’adresser mes remerciements les plus sincères, tout d’abord aux États et à leurs représentants présents aujourd’hui pour leur soutien continu à ce projet et leur implication dans le processus d’élaboration du projet de traité.

Je tiens aussi à remercier la société civile pour ses réflexions et ses suggestions. Nous continuerons à y prêter attention au cours des négociations.

Je voudrais également remercier mes collègues ministres des autres membres du groupe d’États à l’origine de cette initiative, qui ont également porté ce projet pendant toutes ces années.

Enfin, ma gratitude va en particulier à la Slovénie pour les efforts incessants qu'elle a déployés ces derniers mois dans l'organisation de cette conférence diplomatique.

Permettez-moi enfin de souhaiter aux délégués le plein succès dans leurs travaux qui, je l'espère, aboutiront à des conclusions fructueuses.

Je vous remercie.